Evacuation d'une crèche

Evacuation d'une crèche

Mercredi, Février 26, 2025 Cours de répétition

À l’approche de la crèche, nous distinguons plein de petits visages curieux collés à la vitre.

Une des particularités du territoire couvert par l’ORPC Meyrin-Mandement est que le village de La Plaine, sur la commune de Dardagny, est une zone inondable. En effet, situé en aval du barrage de Verbois au bord du Rhône, le risque de submersion est une réalité à laquelle il faut être préparé. De plus, la voie ferrée reliant la Suisse à la France passe à quelques mètres de là. Enfin, La Plaine comprend un vaste complexe industriel spécialisé dans la production de produits chimiques.

C’est dans ce contexte que les autorités de la commune de Dardagny ont demandé à notre organisation de Protection Civile d’élaborer et exercer un concept de sécurité spécifique à la crèche l’Ô Vive. Celle-ci jouxte l’EMS de La Plaine, que notre personnel connaît bien. En effet, il y a quelques années, nous avions eu la charge d’y acheminer les premiers résidants. Ces deux institutions, toutes proches de la frontière avec la France, sont très proches du rivage, à peu de hauteur du niveau de l’eau. L’objectif du cours sera d’évacuer tous les enfants, le personnel encadrant et du matériel dans les hauteurs de Dardagny, sur le parking de la Salle Polyvalente. Il faudra être de retour en crèche pour onze heures, afin que les plus petits puissent prendre leur repas.

La crèche peut accueillir vingt enfants dont quatre bébés. De plus, il faudra également évacuer les accompagnants, au nombre maximal de six. En amont de l’exercice, en fonction de ces données, notre Organisation a fait l’acquisition de quatre maxi-cosy, permettant le transport des bébés, ainsi que de vingt sièges adaptés aux plus petits.

En termes de véhicules, nous disposons de deux nouveaux minibus de neuf places équipées de dispositifs isofix. En revanche, notre bus de 13 places, n’en bénéficie pas. C’est pourquoi les sièges achetés peuvent être fixés, après une légère modification, avec les ceintures de sécurité. Nous disposons également d’un minibus servant à transporter du matériel. Celui-ci servira à prendre les poussettes avec nous. C’est donc avec quatre véhicules que nous procéderons à l’évacuation de la crèche.

Lundi 17 février 2025, le Commandant Didier Brodard, son suppléant Yvan Strummiello et moi-même, allons à la rencontre de la directrice de la crèche, Madame Natacha Berger. D’emblée, les échanges sont empreints de beaucoup de sérieux, mais surtout d’une grande confiance mutuelle. Étant donné le degré de responsabilité d’un tel exercice, le climat instauré est rassurant. Nous procédons à une visite des lieux, et Madame Berger nous indique avoir informé les parents des enfants dont nous aurons la charge deux jours plus tard.

De retour à Meyrin, le Caporal Alexis Charles et moi-même rendons visite à l’équipe chargée du matériel au CVH, le centre de voirie et horticole, dans lequel nous stockons notre matériel d’intervention. C’est là que se trouvent les nouveaux sièges dont nous aurons besoin, et où est stationné notre bus de 13 places. Discussion avec l’Appointé Daniel Carlos Leonardo, qui s’est attelé à déchiffrer les modes d’emploi des maxi-cosy et des nouveaux sièges. Problème : après avoir effectué la modification permettant de fixer les sièges dans le bus, ceux-ci ne sont plus adaptés à de tout petits enfants, mais à des bambins de plus d’un mètre de haut. Bien trop grands pour une crèche.

On décide de fixer le maximum de sièges isofix dans les deux nouveaux minibus et de remplir le grand bus avec les maxicosy. En urgence, nous achetons quatre sièges supplémentaires pouvant accueillir des tout-petits, mais pouvant être attachés avec les ceintures de sécurité.

Mardi 18 février, nous revenons au CVH pour nous familiariser avec les sièges. Nouveau problème, nous explique l’Appointé Daniel Carlos Leonardo : les ceintures de sécurité du grand bus de 13 places sont trop courtes pour y fixer les maxi-cosy. On essaie par tous les moyens, rien n’y fait. Il manque moins de dix centimètres. Les seuls emplacements valables se situent à l’avant des véhicules.

Finalement, chacun des quatre véhicules transportera un maxi-cosy à l’avant. C’est aussi cela, élaborer un nouveau concept. Faire face à des imprévus, analyser et solutionner. Dans cette précipitation, nous oublions de desserrer les sangles des sièges qui sont tendues au maximum. Conversation téléphonique avec Madame Natacha Berger : qu’allons-nous faire, une fois les enfants arrivés aux abords de la Salle Polyvalente ? Une visite de ladite salle. C’est une bonne occasion, et, de plus, nous en avons la clé.

Mercredi 19 février, les quatre véhicules de l’ORPC Meyrin-Mandement traversent fièrement notre belle campagne. À l’approche de la crèche, nous distinguons plein de petits visages curieux collés à la vitre. Certains nous font des signes. C’est attendrissant mais ça fait augmenter considérablement mon niveau de stress.

La prise en charge des enfants peut commencer. Les sangles trop serrées qui m’étaient sorties de l’esprit se montrent redoutables, et nous perdons une dizaine de minutes à installer les enfants. Quoi qu’il en soit, ils sont particulièrement sages et patients, et ce léger incident nous permet à tous d’être familiarisé avec les équipements.

Nous quittons La Plaine et nous dirigeons en douceur vers Dardagny. Arrivés à la Salle Polyvalente, nouveau coup de théâtre : nous sommes un mercredi, la salle est occupée. Pas de visite possible, et tous les enfants sont déjà hors des véhicules. Il faut improviser.

Quelques mètres plus loin, une large bande herbeuse borde une vigne dans laquelle des ouvriers s’efforcent d’élaguer les ceps. Des dizaines de petites jambes, dans le désordre le plus complet, parcourent la distance joyeusement. Les ouvriers, attendris, marquent une pause pour échanger avec les enfants. Certains d’entre eux parviennent à se procurer un ou deux rameaux, et les jeux spontanés commencent. Des rires, des courses dans tous les sens, des sauts audacieux. Les enfants nous ont adoptés avec une facilité déconcertante.

Sur le chemin du retour vers le parking, de l’arrière, je vois deux bambins qui accompagnent le Capitaine Yvan Strummiello, plus de deux fois plus grand qu’eux. Juste derrière, l’Appointé Alexis Charles tient un enfant par main. Leur joie nous a contaminé tous, et j’observe les accompagnants. Avec quelle simplicité ils nous ont accordé leur confiance ! Je leur en suis infiniment reconnaissant.

Le retour est bouclé en un rien de temps, le problème des sangles étant réglé. Voilà parfois comment une nouvelle mission de la Protection Civile s’élabore. Des aléas, des solutions. Un apprentissage. Madame Natacha Berger semble satisfaite de notre travail et de notre état d’esprit. Rendez-vous est pris pour un nouvel exercice, bientôt. Plus long et avec plus de soleil. Mais avec toujours autant de sérieux et de responsabilités.

Premier lieutenant Mark Levental – chef du domaine Protection et Assistance

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