éclairage de place sinistrée sous la pluie

Cours FORE inter-domaines

Vendredi 16 septembre 2022, poste de commandement de la Golette, à Meyrin. Il est midi, les astreints vaquent à diverses occupations de rangement de matériel, de nettoyage, ou s’attablent devant une assiette de raviolis. Le verbe est lent, les visages fatigués, mais les regards sont vifs. 50 personnes qui sortent d’une simulation d’intervention qui a débuté l’avant-veille, et dont le contenu est resté secret jusqu’au dernier moment.

Reportage.

« Comme membre de l’Etat-Major, j’étais au courant du concept du cours, mais je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer, » raconte le Lieutenant Paul-Alain Singh Kalra, chef de section dans le domaine de l’Assistance. « Nous avons été alarmés, et sommes entrés en service à 7 heures du matin. Le Commandement nous a informé qu’une catastrophe d’envergure avait eu lieu à Versoix. ».

Le contexte est la crise ukrainienne : des missiles se seraient abattus sur des bâtiments. Il faudra extraire les victimes des décombres, effectuer des travaux de pompage et récupération d’eau, ainsi que localiser et évacuer des biens culturels. Il n’y a pas de temps à perdre : les officiers d’Etat-Major doivent préparer les groupes, le matériel et les concepts d’engagement de chaque service. « Dans le cadre de ce cours de répétition, aucun chef d’intervention n’a été désigné. Chaque officier était responsable de son effectif et devait présenter au Capitaine Yvan Strummiello les travaux préparatoires. Une fois ceux-ci approuvés et les missions expliquées, la troupe, dont l’entrée en service a eu lieu à 8h30, pouvait partir sur le terrain.


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« Les objectifs de ce cours étaient multiples, explique le Capitaine Strummiello. Faire dormir la troupe FoRE (Force Rapidement Engageable) dans le poste de commandement de la Golette, voir comment et à quelle vitesse se déploierait les effectifs, évaluer la collaboration entre les différents domaines et membre de l’Etat-Major en situation de stress. » Et sur ce dernier point, personne ne sera déçu : au fil de la journée, le Commandement fait en sorte de saturer le poste de suivi de la situation d’informations et d’imprévus à gérer. Ainsi, les officiers se doivent de collaborer en Etat-Major afin d’organiser et exécuter les missions additionnelles.

Le lieutenant Gregory Perregaux, chef de section à l’Assistance, détaille un peu plus le déroulement de la journée : « nous avons monté un poste sanitaire à Satigny, afin d’y recevoir les victimes avant leur transfert vers les autres organismes concernés, en fonction de leur état, notamment. Nous avons donc dû nous occuper du transport des blessés. Une fois dans le poste, que les données ont été collectées, nous avons pu leur offrir un ravitaillement d’urgence ».

pompage dans bac de rétention

Lors de cette première journée, intense, la mission de sauvetage a été un succès, de même que la recherche et l’évacuation des biens culturels, ainsi que le pompage de l’eau. Pour pouvoir réaliser ces exercices dans les meilleures conditions possibles, l’ORPC Meyrin-Mandement a eu la chance de pouvoir utiliser le site de Richelien, à Versoix. Ce terrain comprenant notamment des décombres, est placé sous l’égide du Centre d’Instruction et de Formation (CIF), que le Commandement remercie chaleureusement. Une fois le rôle du poste sanitaire terminé, le Lieutenant Singh Kalra met à disposition des autres domaines son effectif. Certains de ses hommes apporteront leur aide à la Logistique, les autres venant compléter les équipes de l’Appui.

Alors que la troupe s’apprête à passer la nuit dans les dortoirs, le Commandement demande aux officier un tableau récapitulatif des effectifs disponibles et en repos pour la nuit. Le Premier-Lieutenant Jost, en charge du domaine de l’Appui, a choisi de scinder sa troupe en deux, afin que chacun puisse dormir. La seule consigne étant d’être prêt en vingt minutes en cas d’alarme nocturne.

Mais, après le repas et un moment de détente bien apprécié, les demandes affluent, du poste de suivi : demande d’éclairage de zone, établissement d’un poste collecteur, tirer une ligne de campagne en cas de coupure des réseaux de télécommunication, déblaiement d’une voie d’accès. Il fait nuit, l’orage éclate.

« Cela nous a pris trois heures, pour monter la ligne de campagne, sous les éclairs, la pluie battante, entre le poste de la Golette et le bâtiment accueillant la Police Municipale, à une ou deux encablures de là. Une fois monté, on a testé, ça a fonctionné, se souvient le Lieutenant Perregaux. ». Il ajoute : « nous ne sommes pas des surhommes. Et il est vrai que, en situation de fatigue, de stress, le tout dans des conditions difficiles, il y a parfois des mots prononcés plus forts que d’autres. Mais, globalement, l’entente était très bonne, et nous avons pu accomplir les tâches qui nous étaient dévolues. » De fait, les travaux se sont poursuivis à un rythme effréné toute la nuit, et ce n’est qu’à 6h du matin, peu avant le petit-déjeuner, que la troupe à pu se retrouver au complet au poste de commandement.

8h30, c’est le moment de se remettre au travail : il faut recycler l’eau pompée la veille, puis se consacrer au repli du matériel engagé, ainsi qu’à la remise en ordre du poste de commandement et ses dortoirs. La troupe est libérée plus tôt, en ce jeudi 15 septembre, vers 16h30. La journée du lendemain sera dédiée à la remise en état du matériel, et aux débriefings.


L’Appointé Gregory Rossi, qui a participé au sauvetage des victimes, fait part, comme beaucoup d’autres, de ses idées d’améliorations : « Je trouve qu’on devrait être mieux formés au secourisme. Ça manquait un peu ». Pour Patrick Balbino, vétéran du domaine de l’Appui, c’était la trop longue attente entre son arrivée sur les lieux de la catastrophe et le début des opérations, qui est à améliorer. C’était en effet du personnel de l’assistance, qui a endossé le rôle des victimes, pour l’occasion, et ils sont arrivés après les astreints de l’Appui. Mais, « il faudrait refaire ce genre de cours plusieurs fois par année. Cet exercice a renforcé nos liens, et cela est précieux pour d’éventuelles interventions à l’avenir ». Pour le Lieutenant Gregory Perregaux, il faut améliorer la communication, et trouver un meilleur équilibre entre la présence sur le terrain et celle en poste de commandement, pour l’encadrement.

Entre deux débriefings, le Capitaine Yvan Strummiello, suppléant du Commandant Didier Brodard, fatigué mais très concentré, confie : « ce cours de répétition est un succès, car on a pu voir ce qui pêche. La troupe a pris du temps à trouver son rythme de croisière, un peu comme un moteur diesel. D’un point de vue de la solidarité, les objectifs ont été largement dépassés. Les domaines sont autonomes, mais il faut travailler la collaboration et la communication. J’ai maintenant des objectifs pour chaque officier, pour chaque domaine. Je vais les leur transmettre de ce pas. Nous avons pu identifier des pistes d’amélioration très concrètes. »


Il se lève pour mettre un terme à ce cours de répétition épuisant. Son imposante silhouette masquait sur le mur de la salle d’Etat-Major, l’inscription « le seul jour facile était hier ».